Charles AZNAVOUR
1-La Bohème
2-Emmenez-moi
3-Hier encore
4-J'aime Paris au mois de mai
5-Je m' voyais déjà
1-La Bohème
Je vous parle d'un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître
Montmartre en ce temps là
Accrochait ces lilas
Jusque sous nos fenêtres
Et si l'humble garni
Qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine
C'est la qu'on s'est connu
Moi qui criait famine
Et toi qui posait nue
La bohème, la bohème
Ça voulait dire on est heureux
La bohème, la bohème
Nous ne mangions qu'un jour sur deux
Dans les cafés voisins
Nous étions quelques uns
Qui attendions la gloire
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d'y croire
Et quand quelque bistrot
Contre un bon repas chaud
Nous prenait une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle
En oubliant l'hiver
La bohème, la bohème
Ça voulait dire tu es jolie
La bohème, la bohème
Et nous avions tous du génie
Souvent il m'arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d'un sein
Du galbe d'une hanche
Et ce n'est qu'au matin
Qu'on s'asseyait enfin
Devant un café-crême
Epuisés mais ravis
Fallait-il que l'on s'aime
Et qu'on aime la vie
La bohème, la bohème
Ça voulait dire on a vingt ans
La bohème, la bohème
Et nous vivions de l'air du temps
Quand au hasard des jours
Je m'en vais faire un tour
A mon ancienne adresse
Je ne reconnais plus
Ni les murs, ni les rues
Qui ont vu ma jeunesse
En haut d'un escalier
Je cherche l'atelier
Dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor
Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts
La bohème, la bohème
On était jeunes, on était fous
La bohème, la bohème
Ça ne veut plus rien dire du tout
2-Emmenez-moi
(Musique et texte de Charles Aznavour)
Vers les docks où le poids et l'ennui
Me courbent le dos
Ils arrivent le ventre alourdi
De fruits les bateaux
Ils viennent du bout du monde
Apportant avec eux
Des idées vagabondes
Aux reflets de ciels bleus
De mirages
Traînant un parfum poivré
De pays inconnus
Et d'éternels étés
Où l'on vit presque nus
Sur les plages
Moi qui n'ai connu toute ma vie
Que le ciel du nord
J'aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord
Refrain :
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
Dans les bars à la tombée du jour
Avec les marins
Quand on parle de filles et d'amour
Un verre à la main
Je perds la notion des choses
Et soudain ma pensée
M'enlève et me dépose
Un merveilleux été
Sur la grève
Où je vois tendant les bras
L'amour qui comme un fou
Court au devant de moi
Et je me pends au cou
De mon rêve
Quand les bars ferment, que les marins
Regagnent leur bord
Moi je rêve encore jusqu'au matin
Debout sur le port
- Refrain -
Un beau jour sur un rafiot craquant
De la coque au pont
Pour partir je travaillerais dans
La soute à charbon
Prenant la route qui mène
A mes rêves d'enfant
Sur des îles lointaines
Où rien n'est important
Que de vivre
Où les filles allanguies
Vous ravissent le coeur
En tressant m'a t'on dit
De ces colliers de fleurs
Qui enivrent
Je fuirais laissant là mon passé
Sans aucun remord
Sans bagage et le coeur libéré
En chantant très fort
- Refrain - (2 fois)
3-Hier encore
(Musique et texte de Charles Aznavour)
Hier encore j'avais vingt ans
Je caressais le temps et jouais de la vie
Comme on joue de l'amour et je vivais la nuit
Sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps
J'ai fait tant de projets qui sont restés en l'air
J'ai fondé tant d'espoirs qui se sont
envolés
Que je reste perdu, ne sachant où aller
Mes yeux cherchant le ciel mais le coeur mis en terre
Hier encore j'avais vingt ans
Je gaspillais le temps en voulant l'arrêter
Et pour le retenir, même le devancer,
Je n'ai fait que courir et me suis essoufflé
Ignorant le passé, conjuguant au futur,
Je précédais de "moi" toute conversation
Et donnais mon avis que je voulais le bon
Pour critiquer le monde avec désinvolture
Hier encore j'avais vingt ans
Mais j'ai perdu mon temps à faire des folies
Qui ne me laissent au fond rien de vraiment précis
Que quelques rides au front et la peur de l'ennui
Car mes amours sont mortes avant que d'exister
Mes amis sont partis et ne reviendront pas
Par ma faute j'ai fait le vide autour de moi
Et j'ai gâché ma vie et mes jeunes
années
Du meilleur et du pire, en jetant le meilleur,
J'ai figé mes sourires et j'ai glacé mes
pleurs...
Où sont-ils à présent,
À présent, mes vingt ans?
4-J'aime Paris au mois de mai
J'aime Paris au mois de mai,
Quand les bourgeons renaissent,
Qu'une nouvelle jeunesse
S'empare de la vieille cité
Qui se met à rayonner.
J'aime Paris au mois de mai,
Quand l'hiver le délaisse,
Que le soleil caresse
Ses vieux toits à peine éveillés.
J'aime sentir, sur les places,
Dans les rues où je passe,
Ce parfum de muguet que chasse
Le vent qui passe.
Il me plaît à me promener
Par les rues qui se faufilent
A travers toute la ville.
J'aime, j'aime Paris au mois de mai.
J'aime Paris au mois de mai,
Lorsque le jour se lève.
Les rues, sortant du rêve,
Après un sommeil très léger,
Coquettes, se refont une beauté.
J'aime Paris au mois de mai
Quand soudain tout s'anime
Par un monde anonyme,
Heureux de voir le soleil briller.
J'aime quand le vent m'apporte
Des bruits de toutes sortes
Et les potins que l'on colporte
De porte en porte.
Il me plaît à me promener
Dans les rues qui fourmillent,
Tout en draguant les filles.
J'aime, j'aime Paris au mois de mai.
J'aime Paris au mois de mai,
Avec ses bouquinistes
Et ses aquarellistes
Que le printemps a ramenés,
Comme chaque année, le long des quais.
J'aime Paris au mois de mai,
La Seine qui l'arrose
Et mille petites choses
Que je ne pourrais expliquer.
J'aime quand la nuit, sévère,
Etend la paix sur terre
Et que la ville, soudain, s'éclaire
De millions de lumières.
Il me plaît à me promener,
Contemplant les vitrines,
La nuit qui me fascine.
J'aime, j'aime Paris au mois de mai.
5-Je m' voyais déjà
A 18 ans, j'ai quitté ma province
Bien décidé à empoigner la vie
Le coeur léger et le bagage mince
J'étais certain de conquérir Paris
Chez le tailleur le plus chic j'ai fait faire ce complet
bleu qui était du dernier cri
Les photos, les chansons et les orchestrations ont eu
raison de mes économies
Je m' voyais déjà en haut de l'affiche
En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom
s'étalait
Je m' voyais déjà adulé et riche
Signant mes photos aux admirateurs qui se bousculaient
J'étais le plus grand des grands fantaisistes
Faisant un succès si fort que les gens
m'acclamaient debout
Je m' voyais déjà cherchant dans ma liste
Celle qui le soir pourrait par faveur se pendre à
mon cou
Mes traits ont vieilli, bien sûr, sous mon
maquillage
Mais la voix est là, le geste est précis et
j'ai du ressort
Mon coeur s'est aigri un peu, en prenant de l'âge
Mais j'ai des idées, j' connais mon métier
et j'y crois encore
Rien que, sous mes pieds, de sentir la scène
De voir devant moi un public assis, j'ai le coeur battant
On ne m'a pas aidé, je n'ai pas eu de veine
Mais au fond de moi, je suis sûr au moins que j'ai
du talent
Ce complet bleu, y'a 30 ans que je le porte
Et mes chansons ne font rire que moi
Je cours le cachet, je fais du porte-à-porte
Pour subsister, je fais n'importe quoi
Je n'ai connu que les succès faciles des trains de
nuit et des filles à soldat
Les minables cachets, les valises à porter, les
petits meublés et les maigres repas
Tu t' voyais déjà en photographie
Au bras d'une star, l'hiver à la neige,
l'été au soleil
Tu t' voyais déjà racontant ta vie
L'air désabusé à des débutants
friands de conseils
J'ouvrais calmement, les soirs de première
Ces mille télégrammes de ce Tout-Paris qui
nous fait si peur
Et mourant de trac, devant ce parterre
Entrer sur la scène sous les ovations et les
projecteurs
J'ai tout essayé pourtant, pour sortir du nombre
J'ai chanté l'amour, j'ai fait du comique et de la
fantaisie
Si tout a raté pour moi, si je suis dans l'ombre
Ce n'est pas ma faute, mais celle du public qui n'a rien
compris
On ne m'a jamais accordé ma chance
D'autres ont réussi avec peu de voix mais beaucoup
d'argent
Moi j'étais trop pur ou trop en avance
Mais un jour viendra, je leur montrerai que j'ai du talent
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