Francis CABREL
"Carte Postale"
(Paroles et Musique: Francis Cabrel 1981)

1-Carte postale

2-Meme si je reste

3-Elle s'en va vivre ailleurs

4-Répondez moi

5-Ma place dans le traffic

6-Chandelle

7-Comme une madone oubliée

8-Tu es la même

9-Chauffard

10-Je m'ennuie de chez moi


1- Carte postale

Allumés les postes de télévision

Verrouillées les portes des conversations

Oubliés les dames et les jeux de cartes

Endormies les fermes quand les jeunes partent

Brisées les lumières des ruelles en fête

Refroidi le vin brûlant, les assiettes

Emportés les mots des serveuses aimables

Disparus les chiens jouant sous les tables

Déchirées les nappes des soirées de noce

Oubliées les fables du sommeil des gosses

Arrêtées les valses des derniers jupons

Et les fausses notes des accordéons

C'est un hameau perdu sous les étoiles

Avec de vieux rideaux pendus à des fenêtres sales

Et sur le vieux buffet sous la poussière grise

Il reste une carte postale

 

Goudronnées les pierres des chemins tranquilles

Relevées les herbes des endroits fragiles

Désertées les places des belles foraines

Asséchées les traces de l'eau des fontaines

Oubliées les phrases sacrées des grands-pères

Aux âtres des grandes cheminées de pierre

Envolés les rires des nuits de moissons

Et allumés les postes de télévision

C'est un hameau perdu sous les étoiles

Avec de vieux rideaux pendus à des fenêtres sales

Et sur le vieux buffet sous la poussière grise

Il reste une carte postale

 

Envolées les robes des belles promises

Les ailes des grillons, les paniers de cerises

Oubliés les rires des nuits de moissons

Et allumés les postes de télévision

Allumés les postes de télévision
2- Même si j'y reste

Y a sûrement une piste à l'autre bout du monde

Sur une île perdue où le ciel se lamente

Depuis qu'ont disparu les avions de quarante

On ne peut pas toujours vivre les vieilles et mêmes choses

Il faudra bien qu'un jour mon appareil s'y pose

Les ailes déchirées par les vents du parcours

Ne me permettront pas le voyage retour

Même si j'y reste

Même si j'en pleure

Même si j'y attrape la peste

Même si j'en meure

Rien ne me fera regretter mon geste

À force de dormir sous les brises marines

Il ne restera rien de mes anciennes racines

Je n'aurai que ma peau pour unique prison

Trois ou quatre photos et la moitié d'un crayon

J'y vivrai tout le temps qu'on voudra que j'y vive

Mes histoires d'amour belles et définitives

Pour les arbres, les fleurs et les caméléons

Pour les vagues qui viennent et celles qui s'en vont

Même si j'y reste

Même si j'en pleure

Même si j'y attrape la peste

Même si j'en meure

Rien ne me fera regretter mon geste

Même si j'y reste

Juste en face, la mer sur des blocs de granit

Un jour j'irai graver les raisons de ma fuite

Avec les reflets blancs du regard des sirènes

J'avais peur des chemins qu'on voulait que je prenne

Même si j'y reste

Même si j'en pleure

Même si j'y attrape la peste

Même si j'en meure

Rien ne me fera regretter mon geste

Même si j'y reste

Même si j'en pleure

Même si j'y attrape la peste

Même si j'en meure

Rien ne me fera regretter mon geste

Hey, même si j'y reste

Si j'en pleure

Si j'en meure

Rien ne me fera regretter mon geste
3- Elle s'en va vivre ailleurs

Ce soir son rêve a rejoint

Le dernier wagon d'un train

Elle s'en va vivre ailleurs

Loin des murs gris où elle pleure

Elle connaît quelqu'un

Qui va croire en son histoire

Et lui ouvrir le cœur

Il fera brûler des mots

Pour lui réchauffer la peau

Et pour la couvrir de fleurs

Elle s'en va vivre ailleurs

Au bras d'une étoile bizarre

D'une star ou d'un modèle d'un chanteur

On lui a tant parlé de sa vie

Qu'elle veut la vivre

On lui a tant parlé de lui

Qu'elle veut le suivre

Et peut-être qu'elle l'a choisi

Pour qu'il la délivre

Elle s'en va pour qu'il la sauve

Qu'il lui dise des phrases mauves

Pour qu'il l'emporte ailleurs

Loin des murs gris où elle pleure

Il n'y aura que lui sur sa route

Elle vivra toutes ses folies par cœur

On lui a tant parlé de sa vie

Qu'elle veut la vivre

On lui a tant parlé de lui

Qu'elle veut le suivre

Et peut-être qu'elle l'a choisi

Pour qu'il la délivre

Tant pis si c'est un mirage

L'autre côté de l'image

Ne lui fait même pas peur

Elle s'en va vivre ailleurs

Même si le chanteur vit dans une autre histoire

Et même si son regard n'est qu'un miroir

Qu'un miroir

Qu'un miroir
4-Répondez-moi

Je vis dans une maison sans balcon, sans toiture

Où y a même pas d'abeilles sur les pots de confiture

Y a même pas d'oiseaux, même pas la nature

C'est même pas une maison

J'ai laissé en passant quelques mots sur le mur

Du couloir qui descend au parking des voitures

Quelques mots pour les grands

Même pas des injures

Si quelqu'un les entend

Répondez-moi

Répondez-moi

 

Mon cœur a peur d'être emmuré entre vos tours de glace

Condamné au bruit des camions qui passent

Lui qui rêvait de champs d'étoiles, de colliers de jonquilles

Pour accrocher aux épaules des filles

Mais le matin vous entraîne en courant vers vos habitudes

Et le soir, votre forêt d'antennes est branchée sur la solitude

Et que brille la lune pleine

Que souffle le vent du sud

Vous, vous n'entendez pas

Et moi, je vois passer vos chiens superbes aux yeux de glace

Portés sur des coussins que les maîtres embrassent

Pour s'effleurer la main, il faut des mots de passe

Pour s'effleurer la main

Répondez-moi

Répondez-moi

 

Mon cœur a peur de s'enliser dans aussi peu d'espace

Condamné au bruit des camions qui passent

Lui qui rêvait de champs d'étoiles et de pluies de jonquilles

Pour s'abriter aux épaules des filles

Mais la dernière des fées cherche sa baguette magique

Mon ami, le ruisseau dort dans une bouteille en plastique

Les saisons se sont arrêtées aux pieds des arbres synthétiques

Il n'y a plus que moi

Et moi, je vis dans ma maison sans balcon, sans toiture

Où y a même pas d'abeilles sur les pots de confiture

Y a même pas d'oiseaux, même pas la nature

C'est même pas une maison
5-Ma place dans le trafic

Le jour se lève à peine

Je suis déjà debout

Et déjà je promène une larme sur mes joues

Le café qui fume

L'ascenseur qui m'attend

Et le moteur que j'allume

L'aident à prendre lentement

Prendre ma place dans le trafic

À prendre ma place dans le trafic

J'aimerais que quelqu'un vienne et me délivre

Mais celui que je viens de choisir

L'a donné juste assez pour survivre

Et trop peu pour m'enfuir

Je reste prisonnier de mes promesses

À tous ces marchands de tapis

Qui me font dormir sur la laine épaisse

Et qui m'obligent au bout de chaque nuit

À prendre ma place dans le trafic

À prendre ma place dans le trafic

Et quand je veux parler à personne

Quand j'ai le blues

Je vais décrocher mon téléphone

Et je fais le 12

Je suis un mutant, un nouvel homme

Je ne possède même pas mes désirs

Je me parfume aux oxydes de carbone

Et j'ai peur de savoir comment je vais finir

Je regarde s'éloigner les rebelles

Et je me sens à l'étroit dans ma peau

Mais j'ai juré sur la loi des échelles

Si un jour je veux mourir tout en haut

Il faut que je prenne ma place dans le trafic

Faut que je prenne ma place dans le trafic

Et quand je veux parler à personne

Quand j'ai le blues

Je vais décrocher mon téléphone

Et je fais le 12

Parce que quoique je dise

Quoique je fasse

Il faut que passent les voitures noires

Je suis un mutant, un nouvel homme

Je ne possède même pas mes désirs

Je me parfume aux oxydes de carbone

Et j'ai peur de savoir comment je vais finir

Il y a tellement de choses graves

Qui se passent dans mes rues

Que déjà mes enfants savent

Qu'il faudra qu'ils s'habituent

À prendre ma place dans le trafic

À prendre ma place dans le trafic

Ma place dans le trafic
6- Chandelle

Elle, elle sort tout droit d'une aquarelle

Avec ses dentelles d'autrefois

Elle est belle comme un chemin de croix

Elle, les enfants l'appellent Chandelle

Parce qu'elle tremble à chaque pas

Mais le prisonnier c'est moi

Si elle a peur, si elle a froid, moi aussi

L'hiver est fait pour que nos corps se serrent

Et se serrent sans bruit

Si elle a peur, si elle a froid, moi aussi

Je suis le premier qui l'appelle

Le premier qui lui ouvre les bras

Comme si chez nous elle n'existait pas

Et d'elle, je reçois quelques nouvelles

Par les oiseaux qu'elle m'envoie

Je suis loin, mais ne t'inquiète pas

Si elle a peur, si elle a froid, moi aussi

L'hiver est fait pour que nos corps se serrent

Et se serrent sans bruit

Si elle a peur, si elle a froid, moi aussi

Mais chacun de ses silences est mortel

Chacun de ses mots de porte au ciel

Hey, d'aussi loin que tu sois

Si tu m'entends, arrête-toi

Toi qui cours pour que ton corps soit transparent

Toi qui pleures que la vie te prend tout ton temps,

Hey, d'aussi loin que tu sois

Si tu m'entends, arrête-toi

Chandelle, c'est ma chanson pour toi

Ma chanson pour toi

Chandelle, c'est toujours le soir de Noël

Quand elle revient vers chez moi

Et même je ne suis pas sûr qu'il ait fait nuit

Entre hier et aujourd'hui
7-Comme une madone oubliée

Tous les soirs, la même fille attend

Sur le même square, le même banc

Comme une madone oubliée, les jambes croisées

Elle voyage au milieu des maisons

Dans la nuit bleue des télévisions

Comme les fantômes légers, les voiles de fumée

On dit qu'elle a des chambres en ville

On dit qu'elle dort sur le côté

Qu'elle est plutôt d'humeur facile

Qu'on ne la dérange jamais

Qu'il y a des tas de chats qui dorment

En travers sur ses oreillers

Au milieu du parfum des hommes

Et même si tout ça c'était vrai

Au milieu des feuilles et des brindilles

Elle fait son show sur talons aiguilles

Elle joue son cinéma muet

Elle tend ses filets

Et sur les allées du square s'imprime

Le pas de ses futures victimes

Qui viendront s'incendier le cœur

Aux étranges lueurs

On dit qu'elle est l'amie fidèle

De ceux qui n'osent pas parler

Qu'elle connaît le chant des sirènes

Qu'elle peut aussi le murmurer

Qu'il y a des tas de gens qui l'aiment

Et qui ne lui sourient jamais

Que ce ne sont jamais les mêmes

Et même si tout ça c'était vrai

Quels que soient les murs qui te protègent

Un soir tu te prendras à son piège

Le soir où tu seras devenu

Une ombre de plus

Car tous les soirs, la même fille attend

Sur le même square et sur le même banc

Comme une madone oubliée

Les jambes croisées
8-Tu es toujours la même (La prêtresse gitane)

Tu es toujours la même

Tu as toujours dans les yeux

Un peu de nos folies anciennes

Quelques braises d'un ancien feu

Et même si ce feu est mort

Quelque chose y brûle encore

Tu es toujours la même

À croire que le temps s'éternise

Tu es toujours mon plus beau poème

Celui que je ne veux pas qu'on lise

Et même si ces mots sont morts

Quelque chose y brûle encore

C'est peut-être

Que ma tête dort encore

Au milieu de tes bras

C'est sans doute

Que ma route passe

Juste à côté de toi

La prêtresse gitane l'avait dit

Rien n'est jamais fini

Elle voit mes rêves avec tes rêves autour

T'es la même toujours

La même toujours

Même les autres se souviennent

Cette vie qu'on vivait tout droit

Il suffit qu'ils en parlent à peine

J'ai des gouttes de pluie sur les bras

Cet orage est passé si fort

Que les éclairs brillent encore

Au fond des ruelles secrètes

Les pierres ont gardé nos murmures

Entre les mendiants qui regrettent

Et les chiens qui rasent les murs

Chaque fois qu'un mot s'évapore

Il en revient d'autres plus forts

C'est peut-être

Que ma tête dort encore

Au milieu de tes bras

C'est sans doute

Que ma route passe

Juste à côté de toi

La prêtresse gitane l'avait dit

Rien n'est jamais fini

Elle voit mes rêves avec tes rêves autour

T'es la même toujours

La même toujours

C'est peut-être

Que ma tête dort encore

Au milieu de tes bras

C'est sans doute

Que ma route passe

Juste à côté de toi

La prêtresse gitane l'avait dit

Rien n'est jamais fini

Elle voit mes rêves avec tes rêves autour

T'es la même toujours

La même toujours

La prêtresse gitane
9- Chauffard

Y a les bandes blanches qui défilent

Et ta vie qui s'accroche à son fil

Tu es dans la zone rouge du compteur

Mais tu ne t'occupes plus des couleurs

Il faut surtout pas que tes mains tremblent

Y a les troncs des arbres qui t'attendent

Même dans les passages difficiles

Y a les bandes blanches qui défilent

Y a le vent qui siffle sous les tôles

Et le cri des pneus quand tu décolles

Et derrière toi la nuit qui retombe

Sur le sillage étroit de ta bombe

Est-ce que c'est ton cœur qui fait hurler la machine

Ou bien le moteur qui bat dans ta poitrine

Et qui propulse ton projectile

Entre les bandes blanches qui défilent

Chauffard

Tu vois le monde autour dans des brumes liquides

Et c'est pour ça que tu cours toujours sur la voie rapide

Chauffard, chauffard

Tu pousses la musique jusqu'au plus fort

Pour pas sentir les doigt de la mort

Et ni les chiens qui aboient dans leur sommeil

Ni les hommes de loi que tu réveilles

Tu vois quelques tâches claires sur le dos des camions

Quelques mots de travers sur des panneaux bidons

Et ton sang fait monter les aiguilles

Jusqu'au rouge des feux que tu grilles

Chauffard, chauffard

Tu vois le monde autour dans des brumes liquides

Et c'est pour ça que tu cours toujours sur la voie rapide

Chauffard, chauffard

Tu dis que tu connais ton nom par cœur

Et que tu préfères le son de ton moteur

Que si jamais personne ne t'arrête

T'iras te crasher sur le fond de la planète

Et que tu vibres quand les virages s'avancent

Et que la vitesse te laisse ta chance

Et que t'es jamais aussi tranquille

Que quand les bandes blanches défilent

Chauffard, chauffard

Tu vois le monde autour dans des brumes liquides

Et c'est pour ça que tu cours toujours sur la voie rapide

Tu vois le monde autour dans des brumes liquides

Et c'est pour ça que tu cours toujours sur la voie rapide

Chauffard, Chauffard

Chauffard, chauffard, chauffard
10-Je m'ennuie de chez moi

Quand les vents se déchirent sur les angles des toits

Des rues que je traverse à peine

Quand les journées s'étirent et n'en finissent pas

Je m'ennuie de chez moi

Quand je sens que l'automne se consume là-bas

Quand je sais que le feu dévore

Les berges de Garonne où les arbres flamboient

Je m'ennuie de chez moi

De ce bout de terrain qui a brûlé ma mémoire

Ce petit point sur le grand canevas

Qu'un grand-père italien a choisi par hasard

Y a longtemps déjà

Y a longtemps déjà

Quand le mot tambourin de chantait que pour moi

Quand je me cachais pour l'entendre

La cabane du jardin, la clef du cadenas

Y a longtemps déjà

Lorsque j'y pense trop

Lorsque mes yeux se froissent

Puisque je sais qu'il existe sans moi

Je mets mon cœur en haut des pilotis de glace

Je continue comme ça

Je continue comme ça

Lorsque j'y pense trop

Lorsque mes yeux se froissent

Puisque je sais qu'il existe sans moi

Je mets mon cœur en haut des pilotis de glace

Je continue comme ça

Quand je m'ennuie de chez moi


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