Francis CABREL
"Fragile"
(Paroles et Musique: Francis Cabrel 1980)

1-La dame de Haute-Savoie

2-L'encre de tes yeux

3-De l'autre côté de toi

4-Tros grand maintenant

5-Elle écoute pousser les fleurs

6-Je pense encore à toi

7-Cool papa cool

8-Si tu la croises un jour

9-Le petit gars

10-Plus personne

11-Dernière chanson


1- La Dame de Haute Savoie

 

Quand je serai fatigué

De sourire à ces gens qui m'écrasent

Quand je serai fatigué

De leurs dire toujours les mêmes phrases

Quand leurs mots voleront en éclats

Quand il n'y aura plus que des murs en face de moi

J'irai dormir chez la dame de Haute-Savoie

Quand je serai fatigué

D'avancer dans les brumes d'un rêve

Quand je serai fatigué

D'un métier où tu marches où tu crèves

Lorsque demain ne m'apportera

Que les cris inhumains d'une meute aux abois

J'irai dormir chez la dame de Haute-Savoie

Y'a des étoiles qui courent

Dans la neige autour

De son chalet de bois

Y'a des guirlandes qui pendent du toit

Et la nuit descend

Sur les sapins blancs

Juste quand elle frappe des doigts

Juste quand elle frappe des doigts

Quand j'aurai tout donné

Tout écrit, quand je n'aurai plus ma place

Au lieu de me jeter

Sur le premier Jésus-Christ qui passe

Je prendrai ma guitare avec moi

Et peut-être mon chien

S'il est encore là

Et j'irai dormir chez la dame de Haute-Savoie

Chez la dame de Haute-Savoie

 


2-L'encre de tes yeux

 

Puisqu'on ne vivra jamais tous les deux

Puisqu'on est fou, puisqu'on est seul

Puisqu'ils sont si nombreux

Même la morale parle pour eux

J'aimerai quand même te dire

Tout ce que j'ai pu écrire

Je l'ai puisé à l'encre de tes yeux.

Je n'avais pas vu que tu portais des chaînes

À trop vouloir te regarder,

J'en oubliais les miennes

On rêvait de Venise et de liberté

J'aimerai quand même te dire

Tout ce que j'ai pu écrire

C'est ton sourire qui me la dicté.

Tu viendras longtemps marcher dans mes rêves

Tu viendras toujours du côté

Où le soleil se lève

Et si malgré ça j'arrive à t'oublier

J'aimerai quand même te dire

Tout ce que j'ai pu écrire

Aura longtemps le parfum des regrets.

Mais puisqu'on ne vivra jamais tous les deux

Puisqu'on est fou, puisqu'on est seul

Puisqu'ils sont si nombreux

Même la morale parle pour eux

J'aimerai quand même te dire

Tout ce que j'ai pu écrire

Je l'ai puisé à l'encre de tes yeux.


3-De l'autre côté de moi

 

Je sais que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

J'pourrai pas me tromper

C'est allumé la nuit.

S'il te reste un instant

Faudra que tu m'écoutes

Faudra que tu m'attendes

Faut pas que tu m'oublies

De l'autre côté de toi

Je suis presque sûr qu'il n'y a plus rien

De l'autre côté de toi

Le désert commence où finit ta main

Toute l'eau qui ruisselle

Au fil de tes cheveux

J'ai encore besoin d'elle

Pour rafraîchir mes yeux

Est-ce qu'au moins tu m'entends

Quand j'appelle au secours ?

Je suis jaloux des colliers

De diamants qui t'entourent

De l'autre côté de toi

Je suis presque sûr qu'il n'y a plus rien

De l'autre côté de toi

Le désert commence où finit ta main

Laisse-moi t'endormir

Une nuit boréale

Sur un lit de pétales

Aux reflets de saphir

Laisse-moi me blottir

Sur ta peau quatre étoiles

Dans ton corps cathédrale

Et ne plus revenir

Je suis presque sûr qu'il n'y a plus rien

Et le désert commence où finit ta main

Je sais que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

Que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

Je sais que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

Que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

Je sais que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

Que tu vis là-bas

Au bout de l'autoroute

 


4-Trop grand maintenant

 

On en a passé des mois de décembre

Avec la neige au milieu de la chambre

Et tous ces hommes étranges qui venaient pour couper l'eau

La moitié de l'année au régime

Ramener les bouteilles, compter les centimes

Et quand je te croise aujourd'hui, tu me regardes de haut...

Joe ! T'as plus le temps

T'as trop d'argent

Tu es trop grand maintenant

Joe ! Tu gagnes beaucoup trop !

Joe ! T'as plus le temps

T'as trop d'argent

Tu es trop grand maintenant

T'étais chanteur dans des boîtes minables

Tu vidais ton coeur entre les tables

Pour quelques notables, quelques marchands de hauts-fourneaux

Après, t'allais voir de drôles de garçons

Pour qu'ils te parlent de révolution

Quand tu les croises aujourd'hui tu fais même plus attention !

Joe ! T'as plus le temps

T'as trop d'argent

Tu es trop grand maintenant

Joe ! Tu gagnes beaucoup trop !

Joe ! T'as plus le temps

T'as trop d'argent

Tu es trop grand maintenant

T'as quelqu'un pour gérer ton affaire

T'as quelqu'un pour calmer ta colère

Y'a toujours quelqu'un pour écouter tes méthodes

Y'a des filles au fond de ta baignoire

Des flatteurs le long de tes couloirs

Mais y'a pas plus seul qu'un chanteur à la mode !


5-Elle écoute pousser les fleurs

 

Elle écoute pousser les fleurs

Au milieu du bruit des moteurs

Avec de l'eau de pluie

Et du parfum d'encens

Elle voyage de temps en temps

Elle n'a jamais rien entendu

Des chiens qui aboient dans la rue

Elle fait du pain doré

Tous les jours à quatre heures

Elle mène sa vie en couleur

Elle collectionne

Les odeurs de l'automne

Et les brindilles de bois mort

Quand l'hiver arrive

Elle ferme ses livres

Et puis doucement

Elle s'endort sur des tapis de laine

Au milieu des poupées indiennes

Sur les ailes en duvet

De ses deux pigeons blancs

Jusqu'aux premiers jours du printemps

Elle dit qu'elle va faire

Le tour de la Terre

Et qu'elle sera rentrée pour dîner

Mais les instants fragiles

Et les mots inutiles

Elle sait tout cela

Quand elle écoute pousser les fleurs

Au milieu du bruit des moteurs

Quand les autres s'emportent

Quand j'arrive à m'enfuir

C'est chez elle que je vais dormir

Et c'est vrai que j'ai peur de lui faire un enfants...


6-Je pense encore à toi

 

Je suis entré dans l'église

Et je n'y ai vu personne

Que le regard éteint du plâtre des statues

Je connais un endroit où il n'y a rien au-dessus

Je pense encore à toi.

J'aurais dû me méfier des vents qui tourbillonnent

De ces pierres qui taillent cachées sous l'eau qui dort

De ces bouts de ruisseaux qui deviennent des ports

Je pense encore à toi.

On m'avait dit que tout s'efface

Heureusement que le temps passe

J'aurai appris qu'il faut longtemps

Mais le temps passe, heureusement, heureusement.

J'ai croisé le mendiant qui a perdu sa route

Dans mon manteau de pluie je lui ressemble un peu

Et puis j'ai ton image plantée dans les yeux

Je pense encore à toi.

 


7-Cool Papa cool

 

Cool papa cool

C'est pas parce que ton rêve s'écroule

Qu'il faut que tu tires dans la foule autour de toi.

Cool papa cool

On n'est pas fait du même moule

Toi, t'es rocher, moi pierre qui roule

On ne choisit pas.

Ta fortune éclate

Tes prêtres se battent

Juste en bas de chez toi

Ta fille se shoote

Ton fils fait la route

Et ta maîtresse reçoit

Y'a tes héros qui sautent

Y'a des mendiants qui votent

Y'a ta femme qui boit

Y'a plus de cathédrales

Y'a des stars en sandales

Et personne les croît

Cool papa cool

C'est pas parce que ton rêve s'écroule

Qu'il faut que tu tires dans la foule autour de toi.

Cool papa cool

On n'est pas fait du même moule

Toi, t'es rocher, moi pierre qui roule

On ne choisit pas.

Tous les traîtres t'embrassent

Ton pavillon de chasse

Est plein de juges hors la loi

Y'a les huissiers qui sonnent

Y'a dieu au téléphone

T'as du sang sur les doigts

Le temps te bouscule

Ton image brûle

Mais ne t'en fais pas

Faut que tu comprennes

Que dans dix ans à peine

C'est peut-être à moi qu'on dira...

Cool papa cool

C'est pas parce que ton rêve s'écroule

Qu'il faut que tu tires dans la foule autour de toi.

Cool papa cool

On n'est pas fait du même moule

Toi, t'es rocher, moi pierre qui roule

On ne choisit pas.

Cool papa cool

C'est pas parce que ton rêve s'écroule

Qu'il faut que tu tires dans la foule autour de toi.

Cool papa cool


8-Si tu la croise un jour

 

Elle n'aimait pas mon deux pièces séjour

Toi qui voyages si tu la croises un jour

Reviens me dire, reviens me dire

Dis-moi un peu si elle porte toujours

Dans les cheveux ses essences d'amour

Et tous mes rêves sur ses lèvres

Mais promets-moi

Ne t'approche pas trop

Si tu poses tes doigts

Au bronze de sa peau

Tu délires, tu délires.

Sans me méfier

Je l'ai serré très fort

Aujourd'hui encore

J'en ai les yeux qui brûlent, qui brûlent.

Elle, elle a l'âge des voyages au long cours

Des princes arabes et mariages d'amour

Des esclaves libres, des histoires à suivre...

Moi je ne rentrais souvent qu'un soir sur deux

Et mes amis étaient des gens curieux

Difficile à suivre, dis-lui, je réapprends à vivre.

Mais promets-moi

Ne t'approche pas trop

Si tu poses tes doigts

Au bronze de sa peau

Tu délires, tu délires.

Sans me méfier

Je l'ai serré très fort

Aujourd'hui encore

J'en ai les yeux qui brûlent, qui brûlent.

Elle n'aimait pas mon deux pièces séjour

Toi qui voyages si tu la croises un jour

Reviens me dire, reviens me dire.

Dis-lui que pour elle je donnerais

Mon dernier souffle et même celui d'après...


9-Le petit gars

 

Derrière la rivière du père

On voyait s'agiter la cité

Et faner les fleurs solitaires

Dans les parterres grillagés

Le petit gars là-haut sur sa colline

Venait les contempler en paix...

Ces enfants qui jouent en plein air

Entre la route et la voie ferrée

Ils vont finir par manquer d'air

Ou ils vont s'électrocuter

Le petit gars là-haut sur sa colline

Venait les contempler en paix...

Mais le petit gars ne comprenait rien

Allongé sous les arbres il se trouvait bien

Attendant tranquille la récolte du vin

À quoi servent leurs belles manières

Si leurs mots sont empoisonnés

À quoi servent leurs têtes fières

Puisqu'ils marchent le dos courbé

Le petit gars là-haut sur sa colline

Venait les contempler en paix.

Mais derrière la rivière du père

On voyait s'agiter la cité

Et tourner les ogres d'affaires

Dans les tours de verre climatisées

Le petit gars là-haut sur sa colline

Venait les contempler en paix...

Mais le petit gars ne comprenait rien

Allongé sous les arbres il se trouvait bien

Attendant tranquille que cuise son pain.

Mais le petit gars ne comprenait rien

Où s'en vont mourir ces pauvres pantins

Allongés sous les arbres ils seraient si bien

Attendant tranquilles que coule le vin.


10-Plus personne

 

S'il n'y a que mes pas qui résonnent

C'est qu'il ne reste plus personne

Que même les murs sont froids.

Je n'ai plus personne à moi

Quelques vieux souvenirs

Et des cachets pour dormir...

Quelques images qui reviennent

Une place avec une scène

Sur des tréteaux de bois

Des milliers de gens sont là

Mais j'ai dû trop longtemps sourire

Je ne t'ai pas vu partir

Plus que mes pas qui résonnent

Il ne reste plus personne

J'oserai jamais te demander

De revenir me relever

Je vais rester là

Au milieu des papiers gras

Comme un dieu prisonnier

D'une toile d'araignée

Y'a plus que mes pas qui résonnent

Il ne reste plus personne

Je croyais pouvoir jouer comme un homme

Mais tant pis pour moi, s'il ne reste plus personne

Que le goût de ta peau sur l'écho de ma voix.

Je croyais pouvoir jouer comme un homme

Mais tant pis pour moi, s'il ne reste plus personne

Que le goût de ta peau sur l'écho de ma voix.

Je croyais pouvoir jouer comme un homme

Mais tant pis pour moi, s'il ne reste plus personne.


11-Dernière Chanson

 

Chaque fois qu'on arrache une fleur

Qu'on désigne un vainqueur

Qu'on verrouille une issue

Chaque fois qu'on bâtie une tour

On fait reculer l'amour

De quelques mètres de plus, de quelques mètres de plus

Chaque fois qu'on fait une maison

Comme elle a trente balcons

Dans les caves en dessous

Des enfants y apprennent l'odeur

Des fusils mitrailleurs

Et des bouches d'égouts, et des bouches d'égouts

C'est pas grave

Ce sont mes dernières larmes

C'est pas grave

C'est mon dernier appel avant de me taire

C'est la dernière chanson que je voulais faire

Plus ça va, plus je vis, plus j'ai peur

Plus je regarde ailleurs

Plus ça tremble partout

J'ai peur du vide au détour du sentier

J'ai peur d'avoir donné

Le pouvoir à des fous, le pouvoir à des fous...

Mais les fous sont des messieurs très bien

Qui ont des gants en satin

Et des griffes en dessous

Et qui s'amusent à pousser les frontières

Et qui prennent ma terre

Pour un tas de cailloux, pour un tas de cailloux...

C'est pas grave

Ce sont mes dernières larmes

C'est pas grave

C'est mon dernier appel avant de me taire

C'est la dernière chanson que je voulais faire

C'est pas grave

Ce sont mes dernières larmes

C'est pas grave

C'est mon dernier appel avant de me taire

C'est ma dernière chanson avant la guerre, avant la guerre.


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